Porté par

Frédéric Forest

Dessinateur et Peintre à Paris, France

Photographié par Charlotte Lindet

Pourriez-vous vous présenter?

Je suis Frédéric Forest. J’ai grandi à Annecy, dans les Alpes françaises. J'ai passé mon temps à faire du skate, du ski, du snowboard et du dessin. Je vis et travaille à Paris en tant qu’Artiste et aussi comme Designer avec Forest & Giaconia.


Quand avez-vous commencé la peinture et le dessin ?

Comme tout le monde, j'ai commencé à dessiner avant d'écrire. Je ne me suis pas arrêté là et j'adore ça. C'est une émotion virale pour moi. Mais j'ai toujours voulu étudier la conception de produits car il ne s'agissait pas de dessiner pour moi mais pour un projet, pour quelque chose de plus grand.

Quelles sont vos inspirations?

L'inspiration est le résultat de moments aléatoires qui courent dans ma tête et dévorent tout ce que je vois. Ces moments peuvent être n'importe quoi, un parfum, un son, une personne que l'on croise dans la rue, un tissu ou son détail... Mes influences sont surtout en périphérie de l’Art. Elle se concentrent dans la photographie, la mode, la gastronomie, la musique, la typographie, la danse, la poésie, la couleur et la lumière. Par exemple, cela peut être la villa Malaparte, la villa Necchi, la Jaguar type E de 1967, les architectes Frank Lloyd-Wright ou Carlo Scarpa, Tilda Swinton, les chorégraphes Wayne McGregor ou Angelin Preljocaj, Dorothée Gilbert, Christophe Lemaire ou Dries Van Noten, Radiohead, Haruki Murakami, Moebius, Katsuhiro Otomo, les riders Arthur Longo, Nicolas Müller ou Candide Thovex, les photographes Robert Mapplethorpe, Viviane Sassen, Paolo Roversi, et Maud Rémy-Lonvis... Ils me permettent d'exprimer de nouvelles sensations et de proposer de nouvelles histoires, quelle que soit l'ampleur du projet.



Les textures de vos matériaux ont-elles de l'importance pour vous ? Qu'utilisez-vous? Si oui, comment décidez-vous des couleurs et matériaux à appliquer dans vos tableaux?

J’ai souvent la sensation de dessiner ou de peindre comme je skie ou skate. La surface a une importance déterminante. Je laisse mon esprit et ma main jouer et glisser dessus. J’ai pas mal de pinceaux et de feutres, mais j’en utilise pratiquement qu’un seul lorsque je travaille sur une toile ou une feuille de papier. C’est à la fois une contrainte et une liberté qui me permet de synthétiser une idée, une image. Je n’utilise pas de gomme non plus. Si je rate ou si je ne suis pas satisfait, je recommence, vraiment comme en skate jusqu'à obtenir ce que je cherchais. Et à un moment, ma main aura trouvé une trajectoire, un geste qui ne sera sûrement pas parfait mais qui sera la ligne idéale que je voulais sans la connaître à l’avance. Ce moment où le corps et l’esprit ont lâché prise et se rencontrent.

À quoi ressemble une journée typique pour vous?

Lever 6h30, un peu de gym et de yoga, sinon je sors courir pendant 1 heure, petit déjeuner avec ma fille, ensuite je pars avec elle et arrive pour 8h à l’atelier qui est au pied de Montparnasse. Il est situé dans une impasse végétalisée et historique du quartier où Picasso et Modigliani avaient leurs habitudes.

Il n’y pas vraiment de routine. Les journées suivent les projets en cours. Il n’y a pas d’ordre du jour surtout en hiver où la lumière du jour est faible, je peux dessiner ou peindre le matin, un projet de mobilier ou une série artistique et l’après-midi avoir des rendez-vous, des présentations à organiser, des développements de projets, des emails. J’essaie au maximum d’alterner ces heures de création de celles où elles sont développées que ce soit avec d’autres personnes ou seul. A partir du printemps, elles suivent l’intensité et la présence du soleil dans l’atelier. Le dessin s’impose naturellement.

Je quitte l’atelier généralement vers 18h30-19h. En fin de soirée, je me remets à dessiner lorsque mon Iphone et mes emails sont éteints, alors je peux me concentrer uniquement à mon trait et aux projets. Sinon, je lis avant de m’endormir. Les mots m’apaisent.

Que recherchez-vous dans un vêtement ? Quelles sont vos inspirations en matière de style?

Pour le quotidien, je cherche une élégance sans qu’elle soit affirmée. Un style décontracté et simple. La qualité de conception et de fabrication est tout aussi déterminante. C’est ce que j’apprécie dans les silhouettes de Bonne Facture.

Le vêtement a tour à tour un rôle pratique ou de style. La pratique de différents sport m’a apporté un regard très affuté sur l’efficacité du vêtement technique que je vais choisir pour telle ou telle discipline. Que soit l’épaisseur d’une combinaison de surf, le placement d’une couture ou d’une fermeture-éclair sur une veste de ski, des poches pour une tenue de running, la qualité d’une matière selon la météo.

J’ai longtemps eu un style de skater, des pantalons et des t-shirts assez amples et des chaussures à semelles plates. Avec l’âge, j’ai gardé cet assemblage mais l’ai rendu plus dépouillé, assez basique, presque normcore parfois, un jean, une paire de converse Chuck Taylor et un t-shirt blanc ou gris chiné plus près du corps. A partir de ça, je vais varier ma silhouette et mon style. Les pulls et les manteaux prennent une certaine importance parce qu’ils terminent un style. Les chaussures ont un rôle important car elles déterminent l’allure, au sens propre comme figuré. Je dois me sentir bien et en confiance dans mes vêtements. Pas être dans une mode, dans un mouvement éphémère à suivre. Je ne sais pas me déguiser.

Ayant grandi avec des sœurs et une mère passionnée de mode, les magazines féminins ont eu un impact fort sur mon regard. Je parle en plus des années 90 où il y a eu un âge d’or des créateurs. Christophe Lemaire et Dries Van Noten font partie de créateurs que je suis toujours, même si cela ne me va pas du tout. J’aime leurs poésies. Un romantisme rare.

Quelle importance accordez-vous à la qualité, traçabilité et/ou à l'artisanat dans votre processus de décision?

Le processus de conception et de fabrication prend de plus en plus d’importance dans mes choix, dans mon quotidien, que ce soit pour mon alimentation, mes vêtements et dans mes projets. Il ne s’agit pas d’une contrainte mais d’un levier de création. La diffusion est aussi importante. Ce serait cynique de commander une casquette Patagonia sur Amazon. L’artisanat a toujours fait partie de ma vie. Le travail de la main me fascinera toujours, que ce soit une ébéniste ou un couturier.

Où peut-on découvrir votre travail? Quelle est votre dernière actualité?

Il y a un site fredericforest.com sur lequel on a mis en place des œuvres originales que l’on peut commander directement. Mon compte instagram @fredericforest est pour le quotidien à l’atelier et en dehors. C’est assez facile de montrer des travaux en cours ou terminés.

Suite à de nombreuses demandes, grammatical-paris.com a été créé en tant qu’éditeur d’art pour diffuser en ligne des tirages, des livres, des skates et des autorisations de tatouage.Il est possible de prendre rendez-vous pour venir à l’atelier. La création d’un magazine est en cours et devrait sortir pour cette fin d’année. Des nouvelles collaborations avec des artistes et des partenaires seront présentées.

Pour les projets de mobilier, d’architecture intérieure avec Clémentine Giaconia sont visibles sur forestgiaconia.com et le compte @forest.giaconia. On travaille sur le développement de nouvelles pièces qui sortiront l’année prochaine.

Une première exposition va démarrer le 14 avril en Espagne à la galerie The Eleven House, commissionnée par Athina Alvarez de Cura. Pour la première fois, il y aura des peintures sur toile et sur papier, accompagnées de dessins. Le titre « Tu es mon Jour » évoque une fenêtre intime sur la relation solaire qui existe entre deux êtres. L’exposition sera visible jusqu'à la fin de l’été et je réfléchis déjà à en faire une suite à Paris.